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race dégradée, vénale, qui ne soupire qu’après un nouveau maître.

Le sage ne sera touché des insultes de qui que ce soit ; car les hommes ont beau différer tous entre eux, il les estime tous égaux, en ce qu’ils sont également insensés. S’il s’oubliait jusqu’à prendre à cœur une injure, ou grave ou légère, pourrait-il jamais jouir de la sécurité, de cette sécurité qui est un bien propre au sage ? Il se gardera bien de tirer vengeance d’une insulte ; ce serait en honorer l’auteur. Dès qu’en effet il existe un homme dont le mépris nous pèse, nécessairement son estime nous flatte.

XIV. Il y a des gens assez déraisonnables pour croire qu’une femme peut leur faire injure. Qu’importent ses richesses, le nombre de ses porteurs, des bijoux qui chargent ses oreilles, l’ampleur de sa litière ? en est-ce moins un être impudent25 ? et si de saines doctrines, si de fortes études n’ont retrempé cette âme, en est-elle moins cruelle et le jouet de ses passions ? Quelques-uns ne peuvent souffrir qu’un friseur les coudoie, prennent pour offenses les difficultés d’un portier, la morgue d’un nomenclateur26, les hauteurs d’un valet-de-chambre. Que tout cela doit faire rire de pitié et remplir en même temps d’une douce satisfaction celui qui, du fracas des erreurs d’autrui, ramène ses regards sur sa propre tranquillité ! — Qu’est-ce à dire ? le sage n’osera-t-il approcher d’une porte que défend un gardien brutal ? — Non certes ; il en tentera l’accès, si c’est chose essentielle qui l’appelle ; ce misérable, quel qu’il soit, il le traitera comme un chien farouche27, qu’on apaise en lui jetant Je la pâture. Il ne s’indignera pas d’une légère dépense