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Effectivement, trois jours après cette lettre laconique, une berline et une calèche arrivèrent au grand galop de leurs huit chevaux et s’arrêtèrent devant l’auberge de l’Ange-gardien. Natasha sauta au bas de la berline et se jeta au cou d’Elfy en l’appelant par son nom.

« Vous voyez, ma chère Elfy, que je vous connais, que je suis votre amie, et que vous me devez un peu de l’amitié, que vous avez pour grand-père. »

Natasha tendit ensuite les deux mains à Moutier, qui s’inclina profondément en les serrant, et qui s’élança au secours du général, que Romane ne parvenait pas à dégager des coussins de la voiture. Le poignet vigoureux de Moutier l’eut bientôt enlevé ; il sauta presque à terre et tomba, moitié par la secousse, moitié par affection, dans les bras de Moutier, qui eut de la peine à ne pas toucher terre avec sa charge. Mais il s’y attendait, il ne broncha pas, et il serra le général contre son cœur avec des larmes dans les yeux. Le général aussi sentit les siens se mouiller ; il s’empara d’Elfy pour l’embrasser plus d’une fois. Elfy lui baisait les mains, riait, pleurait tout à la fois. Mme Dabrovine et le prince Romane furent présentés par le général.

« Ma petite Elfy, voici la fille de mon cœur et le fils de mes vieux jours. Aimez-les comme vous m’aimez. »

La profonde révérence d’Elfy fut interrompue