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cipices bordaient le sentier. Chacun s’appuya sur son bâton et marcha bravement en avant ; les garçons descendaient tantôt courant, tantôt glissant et ne furent pas longtemps à atteindre le bas de la montagne ; Natasha descendait d’un pied sûr, sautant parfois, glissant sur les talons, s’accroupissant par moments, mais ne s’arrêtant jamais. Romane aurait fait comme elle, s’il n’avait été inquiet des allures désordonnées du général, qui trébuchait, qui sautait sans le vouloir, qui glissait malgré lui, qui serait tombé à chaque pas, si Dérigny, fidèle à sa recommandation, ne l’eût tenu fortement par les basques de sa redingote.

« Tenez-vous ferme, mon pauvre Dérigny, criait le général : ne me ménagez pas ; je vous soutiendrai bien, allez. »

Le pauvre général butait, gémissait, maudissait les montagnes et les rochers. Dérigny suait à grosses gouttes : il lui fallait prêter une extrême attention aux mouvements du général pour ne pas le tirer mal à propos et pour ne pas le lâcher, le laisser buter et tomber sur le nez. À moitié chemin, la descente devenait plus raide et plus rocailleuse encore ; le général buta si souvent, Dérigny tira si fort, que le dernier bouton de la redingote sauta ; le général en reçut une saccade qui manqua le jeter sur le nez ; Dérigny donna, pour le relever, une secousse qui fit partir tous les autres boutons ; le général leva les bras en l’air en signe de détresse ; les manches de la re-