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séjour dans le pays ; je n’avais rien pris depuis deux jours et je n’avais plus un kopeck pour acheter un morceau de pain. Il y avait près d’un an que j’avais quitté Ékatérininski-Zavod, un an que j’errais inquiet et tremblant, un an que je priais Dieu de terminer mes souffrances. Elles ont trouvé une heureuse fin, grâce à la généreuse hospitalité de votre bon oncle, grâce à votre bonté à tous, dont je garderai un souvenir reconnaissant jusqu’au dernier jour de mon existence.

— Bien raconté et bien terminé, mon pauvre Romane, dit le général en lui serrant les mains ; vous nous avez tous fait frémir plus d’une fois d’indignation et de terreur ; ma nièce et Natasha ont encore des larmes dans les yeux ; mais tout cela est du passé, Dieu merci ! et comme il faut vivre du présent et non du passé, je demande à entamer quelques comestibles, car je meurs de faim et de soif ; il y a deux heures que nous vous écoutons.

— Ces heures ont passé bien vite, dit Natasha.

Le général, souriant.

Voyez-vous, la méchante. Elle trouve que vous n’en avez pas assez et que vous auriez dû subir d’autres tortures, d’autres malheurs, pour lui faire le plaisir de les entendre raconter.

Natasha

Mon oncle, la faim vous fait oublier vos bons sentiments, sans quoi vous n’auriez pas fait une si malicieuse interprétation de mes paroles. Monsieur Jacks…, pardon, je veux dire prince Ro-