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sur un banc, où je m’endormis profondément jusqu’au jour.

« Avant de quitter ces braves gens, j’acceptai encore un repas de soupe aux choux et de kasha. On remplit mes poches de pain bis ; ils ne voulurent pas recevoir l’argent que je leur offrais, et je me remis en route avec un nouveau courage.

« À la fin d’avril j’arrivai près de Vologda ; je trouvai facilement du travail dans une tannerie située loin de la ville et de toute habitation ; j’y travaillai près d’un mois, puis je continuai mon voyage avec cinquante roubles de plus dans ma poche.

« Je continuai à coucher dans les bois ; j’eus le bonheur d’éviter toute rencontre de gendarmes et de soldats, comme j’avais évité les ours qui remplissent les forêts de l’Oural.

« J’achetais du pain dans les maisons isolées que je rencontrais. Une fois je faillis être dénoncé comme brigand par un vieillard chez lequel j’étais entré pour demander un pain. Il me dit d’attendre, qu’il allait m’en apporter.

« À peine était-il sorti, que sa fille courut à un coffre, en retira un pain, et dit en me le donnant :

« Pars vite, pauvre homme, mon père est allé à la ville chercher des gendarmes. Tourne dans le sentier à droite qui passe dans les bois, et cours pour qu’on ne te prenne pas. Je dirai que tes amis sont venus te chercher. »