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lorsqu’on y entra pour me mettre les fers aux pieds et aux mains, les bourreaux reculèrent et déclarèrent qu’ils ne pouvaient pas me ferrer, faute de pouvoir respirer librement. On me poussa alors dans un passage assez sombre, mais aéré ; en un quart d’heure mes chaînes furent solidement rivées.

« Les anneaux de mes fers se trouvèrent trop étroits ; on me serra tellement les jambes et les poignets, que je ne pouvais plus me tenir debout ni me servir de mes mains ; mes supplications ne firent qu’exciter la gaieté de mes bourreaux. Avant de me mettre les fers, on me lut mon arrêt ; j’étais condamné à travailler aux mines en Sibérie pendant toute ma vie, et à faire le voyage à pied.

« Quand l’opération du ferrage fut terminée, on me força à regagner mon cachot ; je tombais à chaque pas ; j’y arrivai haletant, les pieds et les mains déjà gonflés et douloureux. Je m’affaissai sur ma couche infecte, mais je fus forcé de la quitter presque aussitôt, me sentant dévoré par la vermine qui la remplissait.

« Je me traînai sur mes genoux au bout de mon cachot ; le sol, détrempé par l’humidité, me procura, en me glaçant, un autre genre de supplice, que je préférai toutefois au premier.

« Vous devinez sans peine les sentiments qui m’agitaient ; au milieu de ma désolation, le souvenir de votre excellent oncle, de sa tendresse, de sa sollicitude pour mon bien-être me revint à la mémoire, et me fut, une pensée consolante dans