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« — Taisez-vous, si vous ne voulez être bâillonné jusqu’à la prison. »

« Je ne dis plus rien ; nous arrivâmes à Varsovie à l’entrée de la nuit : le gouverneur était seul, il m’attendait.

« Mon interrogatoire fut absurde ; j’en subis plusieurs autres, et j’eus le tort de répondre ironiquement à certaines questions que m’adressaient mes juges et le gouverneur sur la conspiration qu’on avait découverte et qui n’existait que dans leur tête. Ils se fâchèrent ; le gouverneur me dit des grossièretés, auxquelles je répondis vivement, comme je le devais.

« — Votre insolence, me dit-il, démontre, monsieur, votre esprit révolutionnaire et la vérité de l’accusation portée contre vous. Sortez, monsieur ; demain vous ne serez plus le prince Romane Pajarski, mais le forçat no ***. Vous le connaîtrez plus tard. »

« L’Excellence sonna, me fit emmener.

« Au cachot no 17 », dit-il.

« On me traîna brutalement dans ce cachot, dont le souvenir me fait dresser les cheveux sur la tête ; c’est un caveau de six pieds de long, six pieds de large, six pieds de haut, sans jour, sans air ; un grabat de paille pourrie, infecte et remplie de vermine composait tout l’ameublement. Je mourais de faim et de soif, n’ayant rien pris depuis la veille. La soif surtout me torturait. On me laissa jusqu’au lendemain dans ce trou si infect, que