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« Polonais ! dit-elle enfin. Polonais ! vous, Polonais ! vous qui vous fâchiez quand on vous appelait Polonais !

Romane

Je ne me fâchais pas, mademoiselle : je tremblais d’être découvert, et votre pitié pour mes chers compatriotes m’attendrissait jusqu’au fond de l’âme.

Natasha

Je ne comprends pas très bien, mais je suis contente que vous soyez Polonais et catholique : c’était une peine pour moi de vous croire Anglais et protestant.

Le général

Tu vas comprendre en deux mots, ma Natasha chérie. Je te présente mon ami, mon ancien aide de camp en Circassie, mon sauveur dans un rude combat, le prince Romane Pajarski, échappé de Sibérie où il travaillait aux mines depuis deux ans, accusé d’avoir conspiré pour la Pologne contre la Russie. »

Natasha sauta de dessus sa banquette, fixa des yeux étonnés sur le prince Pajarski, qui les voyait se remplir de larmes ; puis elle se détourna, cacha son visage dans ses mains et éclata en sanglots.

« Natasha, mon enfant, dit la mère en l’attirant dans ses bras, calme-toi ; pourquoi ces larmes, ces sanglots ?

Natasha

Oh ! maman, maman ! Ce pauvre homme ! Ce pauvre prince ! Comme il a souffert ! C’est horrible !