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dînait et où on couchait, Jackson reconnut une femme qui lui avait témoigné de la compassion lors de son passage avec la chaîne des condamnés, et qui lui avait donné furtivement un pain pour suppléer à l’insuffisance de la nourriture qu’on leur accordait. Cette rencontre le fit trembler. Puisqu’il l’avait reconnue, elle pouvait bien le reconnaître aussi et aller le dénoncer.

Il épia les regards et la physionomie triste mais ouverte de cette femme ; elle le regarda à peine, et ne parut faire aucune attention à lui pendant les allées et venues que nécessitaient les préparatifs du repas et des chambres à coucher.

Mme Dabrovine, Natasha et Mme Dérigny s’occupèrent de la distribution des chambres ; elles soignèrent particulièrement celle du général. On dîna assez tristement ; chacun avait son sujet de préoccupation, et la gravité des parents rendit les enfants sérieux.

La nuit fut mauvaise pour tous ; les souvenirs pénibles, les inquiétudes de l’avenir, les lits durs et incommodes, l’abondance des tarakanes, affreux insectes qui remplissent les fentes des murs en bois dans les maisons mal tenues, tous ces inconvénients réunis tinrent éveillés les voyageurs, sauf les enfants, qui dormirent à peu près bien.