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la frontière, et de devenir ainsi une cause de malheur et de ruine pour ses amis ; il avait passé par les villes et les villages qu’on aurait à traverser pendant plusieurs jours ; mais à pied, traînant des fers trop étroits, dont le poids et les blessures qu’ils occasionnaient faisaient de chaque pas une torture. Il est vrai que, mêlé à la foule de ses compatriotes transportés en Sibérie, il avait pu ne pas être remarqué, ce qui diminuait de beaucoup le danger. Il sentait aussi la nécessité de dissimuler ses inquiétudes pour ne pas causer au général et à Mme Dabrovine une agitation qui aurait pu éveiller les soupçons du feltyègre.

« À quoi pensez-vous, Jackson ? lui demanda le général, qui avait remarqué quelque chose des préoccupations de Romane.

Romane

Je pense au feltyègre, monsieur le comte, et à l’agrément d’avoir un homme de police à ses ordres pour faciliter le voyage.

Le général

Et vous avez raison, mon ami, plus raison que vous ne le pensez ; c’est une protection de toutes les manières, quand il sait qu’il sera largement payé. »

Le général avait appuyé sur chaque mot en regardant fixement son jeune ami, qui le remercia du regard et chercha à reprendre sa sérénité habituelle.

« Maman, entendez-vous les rires qu’ils font dans l’autre voiture ! s’écria Natasha. Quel dom-