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que j’aime et qui ne songent pas, en m’aimant, aux avantages que je peux leur faire… La santé de votre sœur exige un prompt départ ; je l’ai fixé au 1er mai, dans huit jours. La veille, je vous remettrai les papiers et les comptes dont vous aurez besoin pour que tout soit en règle. J’emmène tous ceux que j’aime ; je vous laisse tous mes gens. Je vous défends de les maltraiter, et j’ai fait un acte qui arrêtera les explosions de vos colères et de votre méchanceté. Ne vous contraignez pas ; ne dissimulez plus ; je vous connais ; je devine ce que vous pensez, ce que vous croyez me cacher. Laissez-vous aller à votre joie, et surtout pas de phrases menteuses. »

Mme Papofski avait voulu bien des fois interrompre son oncle, mais un geste impétueux, un regard foudroyant, arrêtaient les paroles prêtes à s’échapper de ses lèvres, tremblantes de colère et de joie. Ces deux sentiments se combattaient et rendaient sa physionomie effrayante. Quand le général cessa de parler, il la regarda quelque temps avec un mépris mélangé de pitié. Voyant qu’elle se taisait, il se leva et voulut sortir.

« Mon oncle », dit-elle d’une voix étranglée.

Le général s’arrêta et se retourna.

« Mon oncle, je ne sais… comment vous remercier… »

Le général ouvrit la porte, sortit et la referma avec violence. Il passa dans la salle à manger, où l’attendaient, d’après ses ordres, Mme Dabrovine, ses enfants, Romane et les enfants Papofski.