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vous tâcherez de… de… les aimer…, pour ne pas être trop cruel. »

M. Jackson la regardait sans lui répondre ; son âme polonaise tressaillait de joie.

Natasha

Mais parlez, répondez-moi ! c’est donc bien difficile, bien terrible d’avoir pitié de ceux qui souffrent, qu’on arrache à leurs familles, qu’on enlève à leurs parents, qu’on envoie en Sibérie ?

« Assez, assez ! dit Jackson de plus en plus troublé. J’ai pitié de ces infortunés… Si vous saviez !… Mais assez, plus un mot ! Je vous en conjure.

Natasha

Bien, nous n’en parlerons plus… avec vous, car j’en cause souvent avec maman. Je suis bien aise de vous avoir enfin attendri sur… Pardon, je me sauve pour ne pas recommencer. »

Et Natasha, riante et légère, s’échappa en courant et vint raconter ses succès à sa mère et à son oncle.

« Je l’ai converti, maman ; il a enfin pitié de ces pauvres Polonais. Il me l’a dit, mais il ne veut pas qu’on en parle ; c’est singulier qu’un homme si bon déteste des gens si malheureux et si courageux ?

— Natasha, dit le général, qui riait et se frottait les mains, sais-tu que nous partons dans huit ou dix jours ? »

Natasha

Tant mieux, mon oncle ; nous serons tous con-