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Le général.

Non, ma fille, parce que je ferai, avant de partir, un acte par lequel je donnerai la liberté à tous mes dvarovoï[1] et par lequel je déclarerai que si elle fait fouetter ou tourmenter un seul individu, elle perdra tous ses droits et devra quitter mes terres dans les vingt-quatre heures.

Madame Dabrovine

Je reconnais là votre bonté et votre prévoyance, mon père. »

Le jour même, à dîner, Mme Dabrovine se plaignit tant de la tête, de la poitrine, de l’estomac, que le général parut inquiet. Il la pressa de manger ; mais Mme Dabrovine, qui avait très bien dîné chez les Dérigny, par les ordres de son oncle, avant de se mettre à table, assura qu’elle n’avait pas faim, et ne voulut toucher à rien.

Natasha était dans le secret du départ précipité, sans pourtant en savoir la cause ; elle montra une insensibilité qui ravit Mme Papofski.

« Elle se perdra dans l’esprit de mon oncle : il est clair qu’elle n’aime pas du tout sa mère », se disait-elle.

Le général feignit de l’inquiétude, et ne pouvait dissimuler sa joie aux yeux méchants et rusés de Mme Papofski.

« Il ne s’émeut pas de la voir souffrir ; il ne l’aime pas du tout », pensa-t-elle.

  1. Domestiques attachés au service particulier des maîtres.