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accent pour parler le français le plus pur et le plus élégant, devait être un second émissaire : elle avait pris des informations secrètes sur l’arrivée de M. Jackson à Smolensk. Personne, dans la ville, n’avait vu ni reçu cet étranger. Il y avait donc un mystère là dedans. Sa sœur et Natasha étaient sans doute dans le secret ; tous alors étaient du complot, et leur éloignement rendrait la dénonciation plus facile.

Pendant qu’elle roulait son plan dans sa tête et qu’elle s’absorbait dans ses pensées, son regard fixe et méchant, son sourire de triomphe, son silence prolongé attirèrent l’attention du général, de Mme Dabrovine et de Romane. Ils se regardèrent sans parler ; le général fit à Romane et à Mme Dabrovine un signe qui recommandait la prudence. Mme Dabrovine reprit son ouvrage ; Romane se leva pour aller rejoindre les enfants, qui, disait-il, pouvaient avoir besoin de sa surveillance. Le général se leva également et annonça qu’il allait travailler.

« Je mets mes affaires en ordre, Maria Pétrovna, pour vous rendre facile la gestion de mes biens ; de plus, il sera bon que je vous mette au courant des revenus et des valeurs des terres et maisons. Dérigny m’aide à faire mes chiffres, qui me cassent la tête ; je suis fort content de l’aperçu en gros de ma fortune, et je crois que vous ne serez pas fâchée d’en connaître le total. »

Mme Papofski rougit et n’osa pas répondre, de crainte de trahir sa joie.