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peut devenir général et rester âne. Et je dis que le gouverneur va arriver, et qu’il faut un gouverneur à tes frères.

Madame Dabrovine

Mais, mon oncle, mon bon oncle, je n’ai…, je ne peux pas… Un gouverneur se paye très cher, … et… je ne sais pas… »

Le général

Tu ne sais pas où tu prendras l’argent pour le payer ? C’est ça, n’est-il pas vrai ? Dans ma poche, parbleu ! Que veux-tu que je fasse de mon argent ? Tiens, Natasha, prends ce portefeuille ; donne-le à ta mère ; et, quand il sera vide, tu me le rapporteras, que je le remplisse.

Madame Dabrovine

Non, mon oncle, vous êtes trop bon ; je ne veux pas abuser de votre générosité. Natasha, n’écoute pas ton oncle, ne prends pas son portefeuille.

Le général

Ah ! vous prêchez la désobéissance à votre fille ! Vous me traitez comme un vieil avare, comme un étranger ! Vous prétendez avoir de l’amitié pour moi, et vous me chagrinez, vous m’humiliez ; vous cherchez à me mettre en colère ! Vous voulez me faire comprendre que je suis un égoïste, un homme sans cœur, qui ne s’embarrasse de personne, qui n’aime personne. Pauvre, moi ! Toujours seul, toujours repoussé ! Personne ne veut rien de moi. »

Le général se rassit et appuya tristement sa tête dans ses mains.