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vos gens sera excitée, mon respectable ami : je serai dénoncé, arrêté et ramené dans cet enfer. »

Le général vit bien au ton calme, au regard triste et intelligent de Romane, qu’il était dans son bon sens. Il réfléchit un instant et se tourna vers Dérigny.

« Comment faire, mon ami ? »

Dérigny avait tout compris ; son plan fut vite conçu.

« Mon général, voici ce qu’on pourrait faire. Je vais laisser mon manteau à monsieur, pour le préserver du froid, et je vais apporter quelque chose de chaud à prendre et de la chaussure, dont il a grand besoin. Et vous, mon général, vous vous en retournerez chez vous comme revenant de la promenade. Vous donnerez des ordres pour qu’on m’attelle un cheval à la petite voiture, vous voudrez bien ajouter que je vais à Smolensk chercher un gouverneur que vous faites venir pour vos neveux. Je partirai ; au lieu d’aller à la ville, je ferai quelque lieues sur la route pour fatiguer le cheval, afin que les gens d’écurie ne se doutent de rien. Je reviendrai par le chemin qui borde les bois, et je prendrai Monsieur pour le ramener au château. »

Les yeux du général brillèrent ; il serra la main de Dérigny.

« De l’esprit comme un ange ! Tu vois, mon pauvre Romane, que nous avons bien fait de le mettre dans la confidence. Prends le manteau de Dérigny, je lui donnerai un des miens.