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L’auberge était mauvaise : des canapés étroits et durs en guise de lits, deux chambres pour les cinq voyageurs, un dîner médiocre, des chandelles pour tout éclairage. Le général allait et venait, les mains derrière lui ; il soufflait, il lançait des regards terribles. Dérigny ne lui parlait pas, de crainte d’amener une explosion ; mais, pour le distraire, il causait avec sa femme.

« Le général ne sera pas bien sur ce canapé, Dérigny ; si nous en attachions deux ensemble pour élargir le lit ? »

Le général se retourna d’un air furieux. Dérigny s’empressa de répondre :

« Quelle folie, Hélène ! le général, ancien militaire, est habitué à des couchers bien autrement durs et mauvais. Crois-tu qu’à Sébastopol il ait eu toujours un lit à sa disposition ? la terre pour lit, un manteau pour couverture. Et nous autres pauvres Français ! la neige pour matelas, le ciel pour couverture ! Le général est de force et d’âge à supporter bien d’autres privations. »

Le général était redevenu radieux et souriant.

« C’est ça, mon ami ! Bien répondu. Ces pauvres femmes n’ont pas idée de la vie militaire.

Dérigny

Et surtout de la vôtre, mon général ; mais Hélène vous soigne parce qu’elle vous aime et qu’elle souffre de vous voir mal établi.

Le général

Très bonne petite Dérigny, ne vous tourmentez