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Madame Papofski

Oui… Non,… c’est-à-dire… je voudrais présenter mes enfants à Natalie.

Le général

Vous avez raison ; allez, allez. Moi je vais avec Dérigny à mes affaires. »

Mme Papofski sortit, courut chez elle, regarda avec colère le maigre ameublement de sa chambre, et, se laissant aller à sa rage jalouse, elle tomba sur son lit en sanglotant.

« L’héritage ! pensait-elle. Six cent mille roubles de revenu ! Une terre superbe ! Il ne me les laissera pas ! Il va tout donner à cette odieuse Natalie, qui fait la désolée et la pauvre pour l’apitoyer. Et sa sotte fille ! qui saute comme si elle avait dix ans ! qui se jette sur lui, qui l’embrasse ! Et lui, gros imbécile, qui croit qu’on l’adore, qui trouve ces gambades charmantes… Il tutoie ma sœur, et moi il m’appelle Maria Pétrovna ! Il les embrasse tous, et nous il nous repousse ! Il fait arranger un appartement comme pour des princes ! eux qui sont dans la misère, qui mangent du pain noir et du lait caillé, qui couchent sur des planches, qui ont à peine des habits de rechange ! Et moi, qui suis riche, qui suis habituée à l’élégance, il me traite comme ces vilains Dérigny que je déteste. J’ai bien su par mes femmes que c’étaient les meubles et les lits des Dérigny qu’on m’avait donnés.

Ces réflexions et mille autres l’occupèrent si longtemps, qu’on vint lui annoncer le dîner avant