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les cent coups de bâton auxquels l’avait condamné le général dans un premier moment de colère, et dont il n’avait plus parlé ; il secondait Dérigny avec l’intelligence qui caractérise le peuple russe. Avant les quinze jours, tout était terminé, les meubles mis en place, les fenêtres et les lits garnis de rideaux ; quand le général alla visiter l’appartement destiné à Mme Dabrovine, il témoigna une joie d’enfant, admirant tout : l’élégance des draperies, le joli et le brillant des meubles, la beauté des sièges. Il s’assit dans chaque fauteuil, examina tous les objets de toilette, se frotta les mains, donna une poignée d’assignats à Vassili et aux ouvriers, et, se tournant vers Dérigny et sa femme :

« Quant à vous, mes amis, ce n’est pas avec de l’or que je reconnais votre zèle, votre activité, votre talent ; ce serait vous faire injure. Non, c’est avec mon cœur que je vous récompense, avec mon amitié, mon estime et ma reconnaissance ! C’est que vous avez fait là un vrai tour de force, un coup de maître ! Merci, mille fois merci, mes bons amis ! (Le général leur serra les mains.) Ah ! Maria Pétrovna ! vous allez être punie de votre méchanceté ! Grâce à mes bons Dérigny, vous allez avoir une colère furieuse ! et d’autant plus terrible que vous n’oserez pas me la montrer !… Quand donc ma petite Dabrovine arrivera-t-elle avec sa Natasha et ses deux garçons ? Je donnerais dix mille, vingt mille roubles pour qu’elle arrivât aujourd’hui même. »