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nouveau charme à ce petit bien convoité par Elfy et Moutier, et chaque jour augmentait leur désappointement. Il était évident que ce bien avait été acheté récemment ; le nouveau propriétaire voudrait probablement bâtir une habitation pour jouir des travaux qui rendaient l’emplacement si joli.


On attacha par une chaîne un joli bateau.

« Chère Elfy, disait Moutier, ne désirons pas plus que nous n’avons ; ne sommes-nous pas très heureux avec ce que nous a déjà donné le bon Dieu ? D’ailleurs, pour moi, le bonheur en ce monde, c’est vous ; le reste est peu de chose. Il ne sert qu’à embellir mon bonheur, comme une jolie toilette vous embellira le jour de notre mariage.

ELFY.

Vous avez raison, mon ami ; aussi donnerais-je tous les prés et tous les bois du monde pour vous conserver près de moi. Je trouve seulement contrariant d’avoir pu acheter tout cela et de nous en voir privés pour toujours, faute d’y avoir pensé plus tôt.

— C’est tout juste ce que je pensais, mes pauvres amis, dit le général d’une voix douce. (Il rentrait par le jardin après avoir examiné les travaux qui marchaient avec une rapidité extraordinaire.) Il n’y aurait que la haie de votre petit jardin à ouvrir, et vous auriez là une propriété ravissante.

MOUTIER.

Pardon, mon général, si je vous faisais observer qu’il serait mieux de ne pas augmenter les regrets de ma pauvre Elfy ; elle est bien jeune encore, et il est facile d’exciter son imagination.

LE GÉNÉRAL.

Bah ! bah ! Ne disait-elle pas, il y a un instant, que vous lui teniez lieu de tous les bois et de tous les prés ?