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spéculatif dans le commerce et n’admettent que le remboursement des frais que le prêteur a eu à subir ; ils condamnent absolument le « change de retour », le « change sec ».

Mais il est bien évident que la pratique ne pouvait s’en tenir à ces règles rigides. Les souverains espagnols eux-mêmes, si bons catholiques que fussent Charles Quint et Philippe II, durent reconnaître la légitimité de l’intérêt, pourvu qu’il fût relativement modéré, qu’il ne dépassât pas 12 % ; n’étaient-ils pas de grands emprunteurs ?

En Angleterre, à l’époque des Tudors, l’autorité publique fut aussi très embarrassée par la question du prêt à intérêt et des changes. Elle voyait qu’il était impossible de s’en tenir à l’ancienne conception de l’Église, de continuer à considérer le prêt comme « le péché maudit ». Elle commence à concevoir que ce qui est punissable, ce n’est pas le paiement d’une somme raisonnable et légitime pour l’argent prêté, mais uniquement les exactions, auxquelles peut donner lieu le prêt à intérêt. En 1545, un acte royal autorisa l’intérêt de 10 % ; il fut, il est vrai, abrogé en 1552, mais, dès 1571, il est remis en vigueur. La cause du prêt à intérêt est gagnée en Angleterre, malgré la résistance de l’Église anglicane, malgré l’opposition de bien des écrivains, comme Thomas Wilson, dont le Discourse upon usury, de 1572, ne fait aucune concession aux idées nouvelles. Et cependant Th. Wilson, comme le remarque M. Tawney, n’était nullement un théologien, mais un haut fonctionnaire, un magistrat cultivé, très au fait des questions économiques.


8. L’influence de la Réforme calviniste. — D’ailleurs, la Réforme religieuse, la réforme calviniste surtout, va singulièrement contribuer à faire triompher la concep-