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soie, comme nous le, montre l’excellent ouvrage de M. Justin Godart sur L’Ouvrier en soie de Lyon. Déjà au XVIIe siècle, la distinction s’était faite entre maîtres marchands et maîtres ouvriers, ainsi qu’en témoigne le règlement de 1667. Le règlement de 1744 consacre la dépendance économique des maîtres ouvriers, qui deviennent les salariés des marchands. Leur dépendance est d’autant plus grande que le marchand fournit la matière première, ainsi que les dessins, et leur avance souvent les sommes nécessaires pour l’achat de l’outillage. Enfin, le prix de la façon est fixé par le marchand ; le salaire n’est établi que quand l’ouvrage est terminé. On comprend bien les causes de la transformation : les marchands, disposant de capitaux, devaient, à mesure que la production et les marchés s’étendaient, faire la loi aux ouvriers qui n’avaient pas d’avances. Dans cette industrie de luxe, leur rôle est d’autant plus considérable que les fluctuations de la mode, qu’ils sont seuls à pouvoir surveiller, pèsent à tout moment sur la fabrication[1]. L’évolution est achevée avant l’introduction du machinisme.

Dans l’industrie drapière, on perçoit une évolution analogue, mais moins générale. L’emprise du capitalisme commercial sur le travail s’explique surtout par des raisons techniques, par la multiplicité des opérations auxquelles donne lieu la fabrication. La laine doit être lavée et dégraissée. On la soumet au battage, au cardage ou an peignage, puis ou la remet aux fileurs et surtout aux fileuses. Après le filage, c’est le dévidage, le bobinage et l’ourdissage. La pièce passe ensuite à la teinture, puis, s’il s’agit d’une laine cardée, au feutrage. Viennent ensuite les apprêts définitifs : le lainage, le tondage et le ratissage. On s’explique ainsi l’interven-

  1. Voy. Pierre Clerget, Les industries de la soie en France, 1925 (Col]. Armand Colin).