Page:Sébillot - Contes de la Haute-Bretagne, 1892.pdf/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.
49
contes de la haute-bretagne.

toile y eut touché, elle fut consumée comme si elle avait été jetée dans un brasier ardent.

— Vous avez chaud, vous autres, dit Jean en retournant s’as­seoir au milieu de la salle ; m’est avis que vous vous passeriez bien de tant de chaleur.

À midi le diable vint chercher Jean pour dîner, et en sortant, il vit un homme qu’il avait connu sur terre, et qui était occupé à équarrir du bois avec des outils tout en fer :

— Tu as l’air d’avoir chaud, lui dit-il en passant.

Le charpentier se retourna aussitôt et reconnut Jean.

— Qui t’amène ici ? lui demanda-t-il.

— Je suis occupé chez le diable à coudre des pantalons pour ses ouvriers.

— Fais bien attention ce soir : le diable va vouloir te donner quarante ou cinquante francs pour la journée ; ne lui demande que le prix que tu prends ailleurs, sans cela il te ferait revenir mal­gré toi et il finirait par te garder ici.

Le couturier pensa à ce que son ami lui disait, et quand le soir le diable lui demanda combien il voulait pour sa journée, il ré­pondit :

— Dix sous.

— Rien que cela ? dit le diable ; demande-moi plutôt cinquante francs.

— Non, dit le couturier, ici comme ailleurs je ne prends que dix sous.

Le diable lui donna ses dix sous et lui dit :

— Reviendras-tu travailler ici ?

— Oui, je reviendrai lundi seulement, car demain j’ai à coudre un habit pour un petit garçon qui va faire sa première communion.

— Si tu veux, dit le diable, faire trois jambes à son pantalon, je te donnerai cent francs.

— Nenni, tout le monde se moquerait de moi, et je ne trouve­rais plus d’ouvrage.

— Veux-tu t’en aller ce soir ?

— Oui.

— Alors, mets ton pied sur le mien et ta main dans la mienne.