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contes de la haute-bretagne

— Eh bien ! lui dit le monsieur, c’est moi qui suis le diable ; veux-tu venir coudre chez moi ?

— Qu’avez-vous à faire ?

— Des pantalons de toile pour mes ouvriers.

— Je reviendrai ici demain soir, dit Jean, et si vous y êtes, je vous rendrai réponse.

Quand il fut de retour à la maison, il raconta à ses parents ce qui lui était arrivé, et leur demanda s’ils voulaient bien qu’il allât coudre chez le diable.

— Fais comme tu voudras, lui répondirent-ils.

Le lendemain, Jean se rendit à l’endroit où il avait rencontré le monsieur ; celui-ci se montra aussitôt et demanda à Jean s’il était décidé à venir coudre chez lui.

— Oui, répondit-il, mais je ne sais pas où vous demeurez.

— Trouve-toi ici demain matin à six heures ; je viendrai t’y attendre et te mènerai chez moi.

Le lendemain, à l’heure dite, Jean rencontra le diable qui lui dit :

— Mets ton pied sur le mien et ta main dans la mienne, et nous allons partir.

Le couturier mit son pied sur celui du diable et sa main dans la sienne, et en un clin d’œil ils arrivèrent à la porte de l’enfer. Aussitôt Chat-Ber, le portier du diable, ouvrit la porte tout au grand en disant :

— Est-ce un homme que vous nous apportez ?

— Non, répondit le diable, c’est un couturier qui vient coudre ici.

Il fit déjeuner le couturier et l’installa à coudre au milieu d’une grande salle. Tout autour des murs Jean voyait de beaux messieurs qu’il avait jadis connus vivants et ils étaient assis dans de su­perbes fauteuils.

— Vous êtes bien ici, vous autres, leur dit-il ; vous avez de la chance, car vous êtes ici, comme sur terre, riches et heureux.

Un des messieurs lui répondit :

— On n’est pas aussi bien ici que tu le penses ; mets un petit morceau de toile sur le bord de mon fauteuil, et tu verras.

Jean posa un morceau sur le bras du fauteuil, mais, dès que la