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contes de la haute-bretagne

faire, il se désolait. Il vit paraître devant lui un monsieur qui lui dit que si au bout d’un an et un jour il voulait venir chez lui, il lui donnerait tout l’argent qu’il avait perdu. Le petit garçon dit qu’il voulait bien, et ainsi il put rendre ce qu’il avait pris.

Quand le jour et l’an furent écoulés, il se mit en route pour aller trouver le monsieur, qui était le diable ; il rencontra sur son chemin un bonhomme qui paraissait avoir plus de mille ans ; il était si vieux, si vieux que sur son dos il avait de la mousse :

— Va plus loin, dit le bonhomme, et porte cette lettre à mon frère, il sera bien content.

Le petit garçon se mit en route, et il trouva un bonhomme plus vieux encore que le premier ; il avait sur le dos de la mousse longue comme le doigt ; il lui remit sa lettre, et quand le bonhomme l’eut parcourue, il lui donna une autre lettre en lui disant :

— Porte-la à mon frère, il sera bien content.

Le petit garçon se mit en route ; il alla loin, bien loin, et il ren­contra un troisième bonhomme qui semblait encore plus âgé : il avait sur le dos plus d’un pied de mousse. Le bonhomme lui dit :

— Je sais où vous allez ; vous allez chez le diable ; mais il y a un moyen de vous tirer de ses griffes. Vous irez au bord de la rivière, et vous verrez trois jeunes filles qui viendront pour s’y baigner ; il y en a deux qui sont vêtues de rouge, et l’autre de vert ; celle-ci est la fille du diable. Quand elle sera déshabillée et à l’eau, vous lui prendrez ses vêtements, et vous ne les lui rendrez que si elle vous dit comment vous pourrez échapper aux pièges de son père.

Le jeune garçon remercia le vieillard, et quand il fut arrivé au bord de la rivière, il s’y cacha : il vit venir trois jeunes filles dont l’une était vêtue de vert et les autres habillées en rouge ; quand elles furent à se baigner dans la rivière, il enleva les vêtements verts, et lorsque la jeune fille sortit de l’eau, elle ne les retrouva plus. Elle aperçut le jeune garçon et lui dit :

— Rends-moi mes vêtements, c’est toi qui me les as pris.

— Non, répondit-il, je ne te les rendrai pas, à moins que tu me dises comment je pourrai ne pas être tué par ton père.

— C’est chez le diable que tu vas, lui dit-elle ; quand tu arriveras son château, il va t’offrir à manger, et te présenter des plats