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contes de la haute-bretagne.

Quand il eût bien donné de l’avoine à la jument, elle lui dit :

— Prends le rasoir de ton maître, son couteau et son sabre et monte sur mon dos.

Il se mit en route ; au bout de quelque temps, elle lui dit :

— Je commence à te sentir lourd, ne vois-tu rien venir ?

— Si, répondit-il, je vois un tourbillon de poussière.

— C’est le diable qui nous poursuit monté sur son cheval noir, jette ton rasoir !

Dès que le rasoir eut touché la terre, derrière eux s’éleva une montagne de rasoirs. En essayant de la gravir, le cheval du diable s’écorcha les genoux, et il fut obligé d’aller en chercher un autre.

La jument blanche continua à fuir ; quelque temps après, elle dit :

— Je commence à te sentir lourd, ne vois-tu rien venir ?

— Si, il s’élève derrière nous une grande fumée.

— C’est le diable, jette le couteau !

À la place où il tomba s’éleva une montagne de couteaux, le cheval du diable se coupa les genoux, et il fut obligé d’aller en chercher un autre.

La jument blanche continua à marcher ; au bout de quelque temps, elle dit encore :

— Je commence à te sentir lourd, ne vois-tu rien venir ?

— Si, derrière nous se forme un tourbillon de feu.

— C’est le diable, jette ton sabre !

Le garçon jeta le sabre, et à la place où il tomba s’éleva une forêt de sabres que le cheval du diable ne put franchir ; il fut obligé d’aller en chercher un autre ; pendant ce temps la jument blanche faisait du chemin ; mais au moment où elle franchissait un ruisseau d’eau bénite, le diable l’attrapa par la queue : elle fit un effort et la queue resta dans la main du diable, mais elle tomba lourdement de l’autre côté du ruisseau.

La jument blanche s’était cassé la jambe en tombant : elle dit à son cavalier :

— Laisse-moi ici, et va chez le roi où tu demanderas à garder les vaches.