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contes de la haute-bretagne.

mais je vais encore vous aider. Coupez les cinq doigts de ma main, et mettez-les dans la terre ; alors tous les arbres tomberont par terre et vous direz : « Je demande qu’il me vienne ici un beau navire. » Mais vous aurez soin de bien ramasser tous mes os et de n’en perdre aucun.

Le garçon fit ce que lui avait recommandé la fille du diable, il eut un beau navire ; mais en retirant les os de la terre, il égara le bout du petit doigt, et la fille eut un des doigts plus court.

Quand il eut accompli les trois épreuves, le diable lui donna à choisir entre ses trois filles qui étaient toutes les trois pareilles et habillées de même. Il reconnut celle qui l’avait aidé à la phalange qui lui manquait au doigt et il se maria avec elle.

Sa femme lui dit :

— Tu n’es pas au bout de tes peines ; maintenant il faut fuir ; car mon père va vouloir te tuer.

Ils se mirent en route et le diable monta sur sa jument pour les attraper ; quand sa fille le vit, elle se changea en rivière et la ju­ment du diable ne put la franchir. Il la ramena à l’écurie, et revint avec un navire qui marchait sur terre comme sur mer. Sa fille, qui avait continué à fuir, se changea en une montagne haute et escarpée, et le diable, qui ne pouvait passer par dessus, s’en alla en jurant comme un casseur d’assiettes.

Il alla chercher des anneaux d’or qui gravissaient d’eux-mêmes les montagnes ; mais sa fille, qui avait continué à fuir avec son mari, se changea en une légère couche de glace qui couvrait la rivière et elle mit son mari dessus. Le diable marcha sur la glace pour aller le prendre ; mais la glace cassa et il se noya.

Alors la fille du diable revint à sa première forme et elle alla vivre avec son mari, et s’ils ne sont pas morts ils vivent encore.

(Conté en 1881 par François Marquer, de Saint-Cast, mousse âgé de 13 ans.)