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contes de la haute-bretagne

— Regarde bien ; que vois-tu ?

— Un nuage de poussière.

— Eh bien ! je vais me changer en maison, et toi en maçon et tu vas me couvrir de mortier.

— Maçon, n’avez-vous point vu Mlle la Noire et son mari ?

— Donnez-moi du mortier, répondit le maçon.

— Les avez-vous vus ?

— Je suis à travailler ; au lieu de me parler, donnez-moi du mortier.

— Elle revint trouver le diable et lui dit :

— Je n’ai rien vu qu’une maison en construction, et un maçon qui demandait du mortier.

— C’étaient eux, dit le diable ; retourne et tâche d’être plus fine.

— Regarde bien, disait la Noire à son mari en fuyant ; ne vois-tu rien ?

— Si, je vois une grosse poussière.

— Je vais me changer en poule et toi en coq.

— N’avez-vous point vu Mlle la Noire et son mari ? leur demanda la femme du diable ?

— Cocolico ! répondit le coq.

La femme retourna et dit à son mari :

— Je n’ai rien vu, qu’une poule et un coq.

— C’étaient eux, dit le diable : es-tu sotte ! retourne bien vite.

Elle courut, et la Noire et son mari fuyaient :

— Regarde bien, continua la Noire, ne vois-tu rien venir ?

— Si, je vois un gros tourbillon.

— Je vais me changer en ourse et toi en lion, dit-elle.

Quand la femme du diable arriva, elle dit :

— Vous n’avez point vu Mlle la Noire et son mari

— Dans mon ventre, s’écria l’ourse ; elle et le lion se jetèrent sur la femme du diable et la dévorèrent, et je pense qu’ils se sont sauvés.

(Conté en 1880 par François Marquer, de Saint-Cast, mousse âgé de 14 ans.)