Page:Sébillot - Contes de la Haute-Bretagne, 1892.pdf/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.
23
contes de la haute-bretagne.

grand’peur, elle prit un de ses enfants sous chaque bras ; mais en courant elle laissa tomber un de ses enfants et n’eut pas le cou­rage de s’arrêter pour le chercher. Le lendemain elle retourna à la forêt, et ne vit point de trace de sang à l’endroit où son fils était tombé.

L’ours emporta l’enfant dans sa tanière, et l’éleva comme un de ses petits : il était poilu comme un ourson et marchait aussi à quatre pattes, et était fort comme une bête.

L’enfant qui était resté chez sa mère grandit, et, quand il eut vingt ans, il dit à sa mère :

— Je vais partir pour aller chercher mon frère, m’est avis qu’il n’est pas mort.

Il prit un cheval et un sabre, et alla dans la forêt où se trouvait, disait-on, une bête si forte que plusieurs soldats envoyés pour la tuer n’avaient pu ni la prendre ni lui faire mal.

Il rencontra la bête et il se battit pendant deux heures avec elle, mais ils ne se firent point de mal. Comme ils étaient lassés, ils cessèrent de lutter, et ils s’assirent l’un à côté de l’autre. Le jeune garçon se mit à manger du pain, la bête en ramassa aussi un mor­ceau et le mangea avec plaisir. Ensuite elle s’allongea sur le dos, comme pour montrer à l’homme qu’elle ferait tout ce qu’il voudrait.

Il se mit en route avec elle, et arriva dans un endroit où était un géant qui lui dit :

— Il faut que tu te battes avec moi.

La bête fit signe au jeune garçon qu’elle voulait aller à sa place, elle prit ses habits et arriva au château du géant, qui prit une barre de fer et l’enfonça en terre si profondément qu’on n’en voyait plus qu’un petit bout ; puis il dit :

— Il n’est pas nécessaire de se battre ; si tu peux enlever cette barre de fer, tu seras vainqueur. La bête saisit la barre de fer avec ses griffes et l’arracha facilement.

— Ah ! dit le géant, tu es le plus fort.