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contes de la haute-bretagne.

V

QUARANTE-ANS

Il y avait une fois un garçon que sa mère nourrit de son lait pendant quarante années ; au bout de ce temps il lui dit :

— Je voudrais aller rejoindre mon père.

— Non, lui répondit-elle, tu es trop petit.

Elle finit tout de même par lui permettre d’aller trouver son père, qui était si fort que sans chevaux ni rien il amenait à chaque fois trois charges de bois sur ses épaules. Quarante-Ans demanda à son père la permission d’aller se promener, puis il le quitta pour faire son tour de France.

Il arriva près d’un moulin où il vit un meunier qui jouait au palet avec les meules de son moulin.

— Que fais-tu là, petit ver de terre, poussière de mes mains ?

— Je joue avec les meules de mon moulin. Es-tu capable d’en faire autant ?

Quarante-Ans prit les meules et les jeta sur le moulin qu’il abattit du coup, puis il dit au meunier :

— Viens avec moi faire ton tour de France.

Un peu plus loin, il rencontra un homme qui charruait tout seul.

— Que fais-tu là, petit ver de terre, poussière de mes mains ?

— Je laboure sans chevaux avec ma charrue. Es-tu capable d’en faire autant ?

Quarante-Ans prit la charrue avec une main et la jeta dans le fossé, puis il dit au charmeur :

— Viens avec moi faire ton tour de France.

Ils arrivèrent à un château où il n’y avait personne, et comme le pays paraissait bon pour la chasse, ils résolurent d’y rester. Quarante-Ans et le charrueur partirent pour la chasse ; ils dirent au meunier de rester à faire la cuisine, et de les avertir en sonnant la cloche quand il serait temps de dîner.