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que l’on fait sonner devant les cercueils ». Celui qui eut une telle vision est perdu. Il a rencontré son présage de mort, son intersigne, et toutes choses lui deviennent des menaces. « Qu’est ceci qui traîne à terre ? Un grand rameau couvert de lichen blanc qui semble un spectre, et là une coulée de marguerites fleuries et si pressées qu’elles simulent un linceul déroulé. » Avant que le condamné ait pu regagner sa maison, le soir est venu, et les « miasmes fantômes, semences ailées de la mort qui montent dans l’humidité nocturne ». « Par delà le mystère des ombrages », il entend « l’appel perfide des ruisseaux. » Et voici que son tâtonnement épeuré a « pénétré dans les régions inviolables où repose, majestueux et néfaste, le souvenir des âges perdus. »

Le décor passionné que dessine Jacques Fréhel n’est pas toujours un paysage. Elle nous ouvre parfois un intérieur qu’ennoblissent des « meubles sculptés en chêne luisant, donnant aux choses un air d’église. » D’ordinaire le spectacle qui dans l’un ou l’autre cadre s’agite, c’est un être isolé, une âme de profondeur et d’émotion. D’autres fois s’y développe un mouvement nombreux et rythmique. C’est, se déroulant