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d’un drame de Shakespeare ou de Calderon. Je garde donc l’impression que vivre est un art, non une science.

Si j’étais de ceux qui affirment volontiers, je déclarerais peut-être : Certains hommes ont voulu imposer des morales, fausses sciences de la vie ; mais ceux que j’admire ont connu et pratiqué la sagesse, qui est l’art de vivre.

Art différent de tous les autres, certes, puisqu’ici l’œuvre et l’ouvrier se confondent.

Mais je ne rencontre nulle part une science de l’action ; partout les disciplines du désirable me paraissent des arts. Désintéressée au point d’ignorer l’effort téléologique, la science cherche la vérité, non la beauté ; ce qui est, non ce que j’aimerais.

Devant les morales qui se prétendent scientifiques, qui affirment et qui ordonnent, je sentais depuis longtemps une répugnance d’immoraliste.

Devant les sagesses qui conseillent et qui harmonisent, j’éprouve, depuis longtemps aussi, un frémissement de désir et d’amour.

Peut-être, quand j’ai cru exprimer des pensées, n’ai-je dit que ces vieux sentiments. Peut-être mes sentiments s’appuyaient sur des pensées obscures, que je viens de faire monter à la lumière de ma conscience.