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de leur « mort ambitieuse ». Mais jamais Romain ne nous donne la joie de cette harmonie parfaite où l’héroïsme ne se roidit plus en effort. Seuls les Grecs semblent avoir réalisé, dans leur grâce simple, la vie et la mort philosophiques. Les meilleurs des Romains restent toujours un peu des philosophes de théâtre. Il suffit, pour saisir la différence, de comparer la mort souriante de Socrate et la fin de Thraséas, ostentatoire comme un dénouement de tragédie. La grandiloquence de Thraséas qui secoue le sang de ses bras en s’écriant : « Offrons cette libation à Jupiter libérateur » semblerait barbare à ces Grecs dont la vertu s’orne de sourire et de facilité. Quel charme fin et délicat aux derniers moments de Socrate ou de Zénon de Cittium. Les Muses sourient quand le premier, guéri de la vie, recommande : « N’oublie pas que nous devons un coq à Esculape »[1] ; quand le second se contente de répéter un vers d’Euripide : « Terre, tu m’appelles ; me voici. »

  1. Je ne crois pas exacte cette traduction, si j’ose dire, platonicienne. Mais le sourire grec y est conservé… Voir, à ce sujet, Les Véritables Entretiens de Socrate.