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COMPLAINTE DOU CONTE DE POITIERS

Si connoist-il et cuer et cors
Et par dedens et par defors.
Job le trouva en paciance
Et saint Abraham en fiance ;
Ainz n’ot fors maladie ou painne :
S’en dut estre s’arme plus sainne.
Outre meir fu en sa venue,
Où mult fist bien sa convenue
Avec son boen frère le Roi.
Plus bel hosteil, plus bel aroi
Ne tint princes emprès son frère.
Ne fist pas honte à son boen père[1],
Ainz montra bien que preudons ière
De foi, de semblanc, de menière.
Or l’a pris Diex en son voiage
Ou plus haut point de son aage,
Que s’on, en ceste région,
Féist roi par élection
Et roi orendroit i fausist,
Ne sai prince qui le vausist[2].

Li vilains dist : « Tost vont noveles :
Voire, les bones et les beles ;

  1. Louis VIII, qui mourut en 1226, au siége d’Avignon.
  2. Voici ce qu’a dit de lui Dom Vaissette dans son Histoire du Languedoc : Alphonse fut un prince débonnaire, chaste, pieu, aumônier, juste et équitable. Il ne manquait d’ailleurs ni de valeur ni de fermeté. Il marcha sur les traces du roi son frère dans la pratique des vertus chrétiennes. » Ajoutons qu’il étendit ou confirma les priviléges des villes et sut donner au commerce, dans ses états, une assez grande impulsion. Il entreprit aussi ou favorisa de grands travaux, témoin la construction du pont Saint-Esprit en 1265, pour laquelle il se montra très-zélé, et qui ne fut terminée, malgré d’incroyables peines et de très-fortes dépenses, qu’en 1309.