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DE LA GRIESCHE D’ESTÉ.

La dent dit : « Cac, »
Et la griesche dit : « Eschac ; »
Qui plus en set s’afuble sac[1]
De la griesche.
De Gresce vient, si griez éesche ;
Or est la Borgoingne brièsche.
Tant a venu
De la gent qu’ele a retenu,
Sont tuit cil de sa route[2] nu
Et tuit deschaus ;
Et par les froiz et par les chaus,
Nès li plus mestres seneschaus,
N’ont robe entière.
La griesche est de tel manière
Qu’ele veut avoir gent légière
En son servise[3].
Une cure en cote, autre en chemise.
Tel gent aime com je devise :
Trop het riche homme ;
S’aus poins le tient éle l’assomme.
En cort terme set bien la somme
De son avoir :
Plorer li fet son non-savoir ;
Souvent li fet gruel avoir,

  1. Ms. 7633. Var. S’afuble .i. sac.
  2. Voyez, pour le mot route, page 11, note 4.
  3. Je crois qu’ici le mot griesche est pris par Rutebeuf dans la signification de jeu. En effet, si la Griesche consistait à courir après un volant pour le recevoir, notre trouvère a pu dire qu’elle veut avoir à son service des gens légers — Tous ces jeux de mots ne sont peut-être pas de bon goût ; mais ils témoignent d’une certaine facilité, et surtout d’une grande subtilité d’esprit qui s’accorde bien, au reste, avec le développement que la scolastique ergoteuse et l’ergoterie sophistique du 13e siècle devaient donner en ce genre à la pensée.