Page:Rutebeuf - Oeuvres complètes, recueillies par Jubinal, tome I, 1839.djvu/48

Cette page a été validée par deux contributeurs.
16
LA COMPLAINTE RUTEBEUF.

Et que miex son vivre li truise
Que je ne fais.
Se je m’esmai je n’en puis mais,
C’or n’ai ne dousaine ne fais,
En ma meson,
De busche por ceste seson.
Si esbahiz ne fu mès hom
Com je sui, voir[1],
C’onques ne fui à mains d’avoir.
Mes ostes veut l’argent avoir
  De son osté[2],
Et j’en ai presque tout osté,
Et si me sont nu li costé
Contre l’yver.
Cist mot me sont dur et diver,
Dont mult me sont changié li ver
  Envers antan[3].
Por poi n’afol quant g’i entan ;
Ne m’estuet pas taner en tan,
Quar le resveil
Me tane assez quant je m’esveil.
Si ne sai se je dorm ou veil,
Ou se je pens,
Quel part je penrai mon despens

  1. Voir, vrai, vraiment ; verum.
  2. Le Ms. 198 N.-D. porte la leçon suivante :
     … De mon hostel.
    Il doit bien avoir non hostel :
    Celui du roi n’est pas itel ;
     Miex est paié,
    Et j’en ai presque tout osté.
  3. Antan, l’année dernière, le temps passé ; ante annum — Voyez la jolie pièce de Villon dont le refrain est :
    Mais où sont les neiges d’antan ?