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ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

mes les disputoisons, qui, suivant nous, n’en sont pas, ou à rejeter de ce genre de compositions les jeux et les miracles, qui en forment chez nous la première base.


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NOTE R.

(Voyez page 144, fin de la note de la page précédente.)


Tous les écrivains contemporains, Ramon de Muntaner, Barthélemi de Néocastro et Nic. Specialis (voyez pour le premier l’édition de M. Buchon, pour les deux autres Muratori) blâment la conduite impolitique de Charles d’Anjou ; mais nul ne me paraît, en peu de mots, avoir fait plus éloquemment ressortir les souffrances de la Sicile durant le règne de ce prince qu’un chaleureux écrivain moderne, M. Michelet, dans le tome III de son Hist. de France, page 13 à 15. Je ne puis résister au plaisir de citer ici ce fragment.

« La Sicile n’avait pas de pitié à attendre de Charles d’Anjou. Cette île, à moitié arabe, avait tenu opiniâtrément pour les amis des Arabes, pour Manfred et sa maison. Toute insulte que les vainqueurs pouvaient faire au peuple sicilien ne leur semblait que représailles. On connaît la pétulance des Provençaux, leur brutale jovialité. S’il n’y eût eu encore que l’antipathie nationale et l’insolence de la conquête, le mal eût pu diminuer ; mais ce qui menaçait d’augmenter, de peser chaque jour davantage, c’était un premier, un habile essai d’administration, l’invasion de la fiscalité, l’apparition de la finance dans le monde de l’Odyssée et de l’Énéide. Ce peuple de laboureurs et de pasteurs avait gardé sous toute domination quelque chose de l’indépendance antique. Il y avait eu jusque-là des solitudes dans la montagne, des libertés dans le désert ; mais voilà que le fisc explore toute l’île. Curieux voyageur, il mesure la vallée, escalade le roc, estime le pic inaccessible ; le percepteur dresse son bureau sous le châtaignier de