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NOTES

même servi de parrain. Tous les jours le père voit ses enfants et les enfants leur père sans qu’aucun d’eux se doute du lien qui les unit. Cependant, dit l’auteur, Aiol ne pouvait s’empêcher de devenir triste en les regardant, parce qu’ils avaient l’âge qu’auraient eu ses fils. Un jour enfin Tieris déclara leur véritable naissance, et Aiol, joyeux d’avoir retrouvé ses enfants, après les avoir armés chevaliers, et avoir envoyé un message au duc Elye, ainsi qu’au roi Louis, afin qu’ils lui amenassent du secours, partit avec eux, le roi Grasiens et une forte armée, pour aller délivrer Mirabel sa femme, toujours prisonnière dans Pampelune. Arrivé devant les murs de cette ville, il livre de sanglants combats aux troupes du roi Mibrien, qui se retirent dans leurs remparts sans être vaincues. Mais tout à coup paraissent dans le lointain des soldats, que les enfants d’Aiol prennent d’abord avec douleur pour des ennemis. Heureusement leur père reconnaît bientôt les bannières : « Non, s’écrie-t-il, ce ne sont pas là des ennemis ! ceux qui viennent, ce sont les barons de France, la grande terre ! c’est Elye, c’est mon père, au cler visage, c’est Louis, mon oncle, le fils de Charles ! Crions-en merci à Dieu, et faisons-leur le meilleur accueil que nous pourrons. » Aiol ne se trompait pas : c’étaient en effet le roi Louis et le duc Elye qui arrivaient, ce dernier monté sur Marchegai, lequel bondissait avec prestesse.

Enfin les troupes françaises et celles du roi Grasiens assaillent la ville de vingt-trois côtés à la fois. Elye aperçoit Makaire et vole à sa rencontre. Blessé par lui, il le précipite néanmoins de dessus son coursier, et le traître, fait prisonnier, est tiré tout vivant à quatre chevaux. Quand au roi Mibrien, il abandonne la religion de Mahomet, et Aiol, ayant retrouvé Mirabel, passe la nuit avec elle, ce que le romancier décrit malicieusement ainsi :

Cele nuit voirement à joie s’esbanissent :
S’il font ju de cortine, ne vos merveilliés mie,
Dus ç’à demain al jor que l’aube est esclairie.