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noit sa gent ainsi et ses batailles, Erars de Waleri, chevaliers preus et renommez, et autre chevalier de France qui repairoient d’outre-mer par la terre de Puille, vindrent en l’ost le roy Charlon aussi comme angle que Diex y eût envoyez, et furent en la bataille en l’eschiele le roy, où il firent moult de prouesses, pourquoi il sont digne de mémoire.

« .....Erars de Valeri, uns chevaliers de France preus et hardis, et qui assés sot de bataille, et qui estoit près du roi Charle, quant il vit Henri[1] et sa gent si sagement venir et si ordonnéement, si dist au roy : « Sire, nos anemis viennent si sagement, si joint et si serré, que à painnes pourront estre percié ; dont, se il vous plet, mestier seroit que nous entremissions d’aucune cautele, à ce que il s’espandissent un poi, si que nos gens se férissent mieux en eux, et péussent combatre main à main. » Li roys, qui crut le conseil Erart, et li dist : « Erart, eslisiés de nos gens ceuls que vous voudrez, et faites en la manière que il vous plaira, et que leur bataille, qui est forte et espesse, puisse estre départie. » Erars, quant il ot entendu le commandement le roy, prist tantost trente chevaliers preus et esleus, et les dessevra de la compaignie le roy, ne ne fit pas sanblant qu’il se vousist combattre ; mais aussi comme s’il voulsist fouyr, se haste d’aler cele part où il vit que la fuite apparoit estre plus sûre. Tantôt que li Espaignol virent ce, si cuidièrent que cil s’enfuissent, si crièrent « Il fuient ! il fuient ! » et s’esparpillièrent pour suir les. En tele manière se dessamblèrent que nos François se porent bien férir en euls. Charles li roys, tantost comme il vit ce, si se féri en eux à toute sa gent ; et Erars et li sien retournèrent arrière et se férirent en euls à grans cris.

« .....Jà soit ce que tous sans diférence féissent

  1. Henri d’Espagne, qui, après avoir enfoncé l’aile de l’armée de Charles, composée des Provençaux, pendant que ce prince dispersait lui-même celle que Conradin commandait en personne, vint se heurter contre le corps d’armée où se trouvaient Érard et le roi de Sicile.