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successeurs changèrent d’objet. Les mains libérales du comte Thibaut, toujours occupées au bien général de ses peuples[1], s’ouvraient sur les pauvres, sur les moines, sur tous les malheureux. Les descendants de ce prince firent leur capital de l’accessoire : par leurs pieuses libéralités, qui donnèrent le ton à leurs états, presque tout le territoire de l’ancien comté de Champagne est devenu bien ecclésiastique. »

Il n’est peut-être pas déplacé, à propos du vers de Rutebeuf, de rappeler ici que ce fut dans les salles du château de Provins que Thibaut IV, surnommé le Chansonnier, fit écrire, à ce qu’on prétend, ses chansons sur les murailles. Du reste, ce prince et son fils furent tous deux les bienfaiteurs de Provins et y créèrent un grand nombre d’établissements religieux ; le premier y fonda l’église de Saint-Quiriace, celle des Bénédictines, l’abbaye de la Barre, celle du Val-des-Écoliers, l’Hôtel-Dieu, etc. ; le second étendit ses soins au-delà même de la tombe : par son testament, écrit avant de s’embarquer pour Tunis, et daté de la Roche ou Sainte-Baume de Marseille, il fit de nombreux legs en faveur des églises de Provins. Ce fut à l’occasion de ses libéralités envers les Frères-Prêcheurs de cette ville, qu’il avait fondés en 1269 et qu’il affectionnait profondément, qu’il s’attira l’avis suivant que saint Louis lui fit transmettre par Joinville, « Qu’il se pransist garde de ce qu’il faisoit, et qu’il ne encombrast son âme, cuidant estre quite des grans deniers qu’il donnoit et laissoit à la maison des Frères-Prêcheurs de Provins ; car le sage homme, tandis qu’il vit, doit faire tout ainsi que le bon exécuteur. Premièrement et avant autre euvre il doit restituer et restablir les torz et griefs faiz à autrui par son trespassé, et du résidu de l’avoir d’icelui mort doit faire les aulmosnes aux povres de Dieu, ainsi que le droit escript l’enseigne. »

Quant à Bar-sur-Seine et à Bar-sur-Aube, je dirai que la première de ces deux villes n’avait pas toujours appar-

  1. Voici ce qu’un de ses contemporains a dit de lui : Theobaldus erat pater orphanorum, judex viduarum, cœcorum oculus, pes claudorum.