Et si sai tant d’enging et d’art :
Ge sai joer des basteax,
Et si sai joer des costeax
Et de la corde et de la fonde,
Et de toz les biax giex du monde.
Ge sai bien chanter à devise
Du roi Pépin de Saint-Denise ;
Des Loherans tote l’estoire,
Sai-ge par sens et par mémoire,
De Charlemaine et de Roulant,
Et d’Olivier le conbatant ;
Ge sai d’Ogier, ge sai d’Aimmoin
Et de Girart de Roxillon,
Et si sai du roi Loeis
Et de Buevon de Conmarchis[1],
De Foveus et de Renoart[2],
De Guiteclin et de Girart,
Et d’Orson de Beauvès la some.
Si sai de Florance de Rome,
De Fenagu à la grant teste ;
De totes les chançons de geste
Que tu sauroies aconter,
Sai-ge par cuer dire et conter.
Ge sai bien la trompe bailler ;
Si sai la chape au cul tailler ;
Si sai porter consels d’amors
Et faire chapelez de flors,
Et çainture de druerie,
Et beau parler de cortoisie
A ceus qui d’amors sont espris :
Et tu donc quides avoir pris ?
Ne parle mais là où ge soie ;
- ↑ Poëme dû au trouvère Adans ou Adenez-le-Roi.
- ↑ Foveus: c’est, je crois le roman de Fauvel, ouvrage qui a le plus grand rapport avec certaines branches du roman du Renart; le principal héros, Fauve ou Fauvain, est même emprunté à ce dernier : c’est une mule que monte Dame Guille. Jean de Condé, dans son Dit d’Entendement (Ms. 7534), cite ainsi le roman de Fauvel :
S’est li siècles teus devenus
Que nus n’iert jamès bien venus
S’il ne set Fauvain estriller.
Les personnages de ce poëme sont six dames, Flatterie, Avarice, Vilenie, Variété, Envie, Lâcheté, dont les initiales composent le nom de Fauvel.
