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LI DIZ DE L’ERBERIE.

Fui pierres querre.
Prestres Jehans[1] i a fait guerre :
Je n’osai entrer en la terre,
Je fui au port.
Mout riches pierres en aport
Qui font resusciter le mort.
Ce sunt ferrites
Et dyamans et cresperites[2],
Rubiz, jagonces, marguarites,
Grenaz, stopaces,
Et tellagons, et galofaces :
De mort ne doutera menaces

Cil qui les porte[3].
Foux est ce il ce desconforte ;

N’a garde que lièvres l’en porte
C’il se tient bien ;

  1. L’histoire de Prestre Jehan est une des plus singulières et des plus répandues qui nous soient restées du moyen âge. Elle remonte au 12e siècle et contient le récit fabuleux des productions qui se trouvent dans les royaumes de ce prince, prêtre nestorien qui à cette époque, au dire de nos vieux et crédules chroniqueurs, aurait soumis à sa domination de vastes contrées en Abyssinie. Ces productions sont à peu près dans le genre de celles dont parle Rutebeuf. Je ne m’étendrai pas davantage ici sur ce sujet, d’abord parce qu’il serait fort long à traiter, et ensuite parce que j’en ferai prochainement l’objet d’une dissertation spéciale.
  2. Ce vers manque au Ms. 198 N.-D.
  3. La croyance aux diverses vertus des pierres était fort répandue dans le moyen âge. C’est de là qu’est venue la recherche de la pierre philosophale. On trouve dans l’inventaire des meubles, joyaux, etc., du roi Charles V, exécuté en 1379, Ms. 8356 de la Bib. royale, folio LXXII, vo, la mention de deux pierres estans en ung coffre de cypraès que le roy fait porter continuellement avecques soy dont il porte la clef. La première est une pierre appelée la pierre saincte. qui ayde aux femmes à avoir enfant, laquelle est enchâssée en or, et y sont quatre perles, six esmeraudes, deux ballaiz et au dos y a ung escu de France, estant en ung est ustuy de cuir.
    Item, la pierre qui guérist de la goute, en laquelle est entaillé ung