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DE LA VIE DOU MONDE.

Mais de tant me desplaist que il sont marcéant[1],
Et de carité faire deviennent recréant.

De cex de Prémonstré[2] me convient dire voir :
Orgix et convoitise les set bien décevoir ;
Il sont par dehors blanc, et par dedens sont noirs :
S’ils fussent partot blanc il fesissent savoir.

Jacobin, Cordelier sont gent de bon afaire :
Il déissent assés, mais il les convient taire,
Car li prélat ne vellent qu’il dient[3] nul contraire,
A cho que il ont fait n’à cho qu’il voellent faire.

Cordelier, Jacobin font granz affliccions[4],
Si dient, car il sueffrent mout tribulacions ;
Mais il ont des riche hommes les exécucions
Dont il sunt bien fondei et en font granz maisons.

  1. Rutebeuf a raison dans ce reproche : il n’était pas très convenable que les religieux fussent en même temps commerçants, et c’était une singulière permission que celle que l’on avait donnée aux moines de Cîteaux de faire le négoce.
  2. Les Prémontrés étaient des chanoines réguliers institués par saint Norbert en 1119, sous Callixte II, durant le règne de Louis-le-Gros, dans le village de Prémontré, ainsi nommé par ce qu’Enguerrand de Coucy ayant eu peur d’un lion en cet endroit, à ce que rapportent naïvement nos anciens auteurs, s’écria : « Saint Jean, tu me l’as de près montré ! » Les vêtements et les scapulaires des Prémontrés étaient blancs ; lorsqu’ils sortaient ils avaient un manteau et un chapeau blanc ; au chœur, dans l’été, ils portaient un surplis blanc et une aumusse blanche ; dans l’hiver, un rochet avec une chape et un camail blancs. Ceci dit assez que ces religieux n’appartenaient point à l’ordre des moines noirs.
  3. Ms. 198 N.-D. Var. Que baient.
  4. Cette strophe ne se trouve que dans le Ms. 7633 ; elle a été ajoutée en marge à l’encre rouge (caractères du temps) dans le Ms. 274 bis N.-D.