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DE BRICHEMER.

Qui jue de moi à la briche[1] :
Endroit de moi je l’ doi amer ;
Je ne l’ truis aeschars ne chiche.
N’a si large jusqu’outre mer,
Quar de promesse m’a fet riche :
Du forment qu’il fera semer
Me fera anc’ouan flamiche.

Brichemer est de bel afère ;
N’est pas uns hom plains de desroi :
Cortois et douz et debonère
Le trueve-on, et de bel[2] aroi ;
Mès n’en puis fors promesse atrère,
Ne je n’i voi autre conroi[3] :
Autele atente m’estuet fère
Com li Breton font de lor roi[4].

    pouvait au 13e siècle découvrir à qui s’adressaient les vers de notre trouvère. Tout ce que je puis dire, c’est que dans le Roman du Renart le cerf s’appelle Brichemer.

  1. La briche était un jeu qu’on jouait assis, et par conséquent à l’aise. C’est, je crois, le sens dans lequel il faut entendre ici ce mot. Le supplément du Glossaire de Ducange, au mot Bricolla, en cite plusieurs exemples que voici : « Aucunes bachelettes jouoient d’un jeu appelé la briche, et quant le suppliant et Mathieu Burnel approuchèrent près d’eulx, Andrieu d’Azencourt print hors des mains d’une des dites bachelettes le baston duquel bricher devoit. » Litt. remiss., an 1408. — Aliœ an 1411 : « Pluseurs gens qui jouoient au geu de brische et gesant à terre, » etc. — Litt. remiss., an 1450 : « Lesquelles filles jouoient à ung jeu que l’on dit la bricque… les dites filles assises au dit jeu de la bricque.
  2. Ms. 7633. Var. Grant.
  3. Ms. 7615. Var. Je n’i voi mès autre conroi. — conroi, dessein.
  4. Parmi les prophéties du temps qu’on attribuait à l’enchanteur Merlin, il y en avait une qui annonçait qu’Artus, ce roi des Bretons si fameux dans nos romans de chevalerie, n’était pas mort réellement comme on le croyait, qu’il reviendrait un jour régner de nouveau sur la Grande-Bretagne, et qu’alors il la rendrait la plus florissante des monarchies. En conséquence