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Si avons jà grant pièce estei,
Et qu’i avons conquestei
Dont l’arme ait nule séurtei ?
Je n’i vois fors despérement.

Or ne soions désespérei,
Crion merci hardiement,
Car Dieux est plains de charitei
Et piteuz juqu’au jugement ;
Mais lors aura-il tost contei
Un conte plein de grant durtei :
« Venez, li buen, à ma citei ;
Aleiz, li mal, à dampnement[1]

Lors seront li fauz cuer dampnei
Qui en cest siècle font semblant
Qu’il soient plain d’umilitei
Et si boen qu’il n’i faut noiant,
Et il sont plain d’iniquitei ;
Mais le siècle ont si enchantei
C’om n’oze dire véritei
Ce c’on i voit apertement.

Clerc et prélat qui aünei
Ont l’avoir et l’or et l’argent,

  1. Thibaut de Navarre, le chansonnier, a exprimé à peu près la même pensée dans ces vers :
    Diex se laissa por nos en crois pener,
    Et nos dira au jor où tuit venront :
    « Vos ki ma crois m’aidastes à porter,
    Vos en irez là où li angèle sont :
    Là me verrez et ma mère Marie ;
    Et vos par qui je n’oi onques aïe,
    Descendez tuit en infer le parfont. »