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ET DOU DESCROIZIÉ.

Que ne ceiz que li tenz devient ?

« Li mauvais desà demorront
Que jà n’uns boens n’i demorra ;
Com vaches en lor lit morront
Buer iert neiz qui de lai morra,
Jamais recovreir ne porront :
Fasse chacuns mieux qu’il porrat ;
Lor peresce en la fin plorront,
Et c’il muerent n’uns n’es plorra.

« Ausi com par ci le me taille,
Cuides foïr d’enfer la flame
Et acroire, et metre à la taille,
Et faire de la char ta dame.
A moi ne chaut coument qu’il aille,
Mais que li cors puist sauver l’âme,
Ne de prison ne de bataille,
Ne de laissier enfant ne fame[1]. »

— « Biaux sire chiers, que que dit aie,
Vos m’aveiz vaincu et maltei.
A vos m’acort, à vos m’apaie,
Que vos ne m’aveiz pas flatei.
La croix preing sans nule délaie,
Si doing à Dieu cors et chatei ;

  1. La croyance qu’on pouvait se sauver en allant en Terre-Sainte et que la croisade effaçait tous les péchés amena de singuliers raisonnements : il y avait des coupables qui disaient, selon l’abbé Usperg, lequel cite à ce propos le meurtre d’Engelbert, évêque de Cologne : « Je commettrai des crimes, puisqu’en prenant la croix je deviendrai innocent, et je satisferai même pour les crimes des autres. » (Voyez Fleury, Hist. eccl., t. XVI, p. 589, édit. in-4o, 1719.)