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LA DESPUTIZONS DOU CROISIÉ.


Dit li croisiez premièrement :
« Enten à moi, biaux dolz amis ;
Tu seiz mult bien entièrement
Que Diex en toi le san a mis,
Dont tu connois apertement
Bien de mal, amis d’anemis.
Se tu en euvres sagement,
Tes loïers t’en est promis.

« Tu voiz, et parsois, et entens
Le meschief de la sainte terre.
Por qu’est de proesse vantans
Qui le leu Dieu lait en teil guerre ?
S’uns hom pooit vivre .c. ans
Ne puet-il tant d’oneur conquerre
Com se il est bien repentans
D’aleir le sépulchre requerre. »

Dit li autre : « J’entens mult bien
Por quoi vos dites teiz paroles.
Vos me sermoneiz que le mien
Doingne au coc et puis si m’envole.
Mes enfans garderont li chien
Qui demorront en la parole.
Hon dit : Ce que tu tiens, si tien ;
Ci at boen mot de bone escole.

    « Cette pièce est remarquable par sa forme, étant composée de trente-deux couplets, chacun de huit vers, sur deux rimes croisées qui sont alternativement, excepté dans quatre strophes, masculine et féminine. Les cinq premiers couplets se trouvent employés pour l’exposition ; les vingt-cinq autres sont prononcés par les deux interlocuteurs, qui tour à tour en disent chacun un ou chacun deux. »