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LA NOUVELLE

Veiz-ci la fin de vostre avoir.
La fin de l’arme est tote aperte :
Bien est qui li rant sa déserte.

Maistre d’outre meir et de France,
Dou Temple par la Dieu poissance,
Frère Guillaume de Biaugeu[1],
Or poeiz veioir le biau geu
De quoi li siècles seit servir.
Il n’ont cure de Dieu servir
Por conquerre sainz paradis,
Com li preudome de jadiz,
Godefroiz, Briemons[2] et Tancreiz.
Jà n’iert lor ancres aencreiz
En meir por la neif rafreschir ;
De ce ce vuelent-il franchir.
Ha, bone gent ! Diex vos sequeure !
Que de la mort ne saveiz l’eure.
Recoumanciez novele estoire,
Car Jhésu-Criz li rois de gloire

  1. Guillaume ou Guichard de Beaujeu (on le nomme aussi Guillard) succéda dans la charge de grand-maître du Temple à Thomas Beraut ou Bérail, mort le 25 mars 1273. « Il faut donc, dit l’Art de vérifier les dates, rayer du catalogue des grands-maîtres Robert et Guiffrei, dont on place les magistères entre ceux de Béraut et de Beaujeu. » Nous ferons observer qu’il y a ici une erreur. Guillaume de Beaujeu ne fut élu que le 13 mai 1273. En 1274 il assista au concile de Lyon ; la même année il s’embarqua pour la Palestine, où il arriva le 29 septembre. Il y resta jusqu’à sa mort, qui eut lieu en 1291 au siége d’Acre, qu’il défendait avec courage contre les infidèles. Il périt d’une blessure que lui fit à l’épaule une flèche empoisonnée, et, sur 500 des chevaliers qu’il commandait dix seulement parvinrent à s’échapper.
  2. Bohémond, fils de Robert Guiscard, l’un des chefs de la première croisade avec Godefroi et Tancrède.