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LA COMPLAINTE

Ainz c’on vous péust à nous traire !
Qui des ciex cuide ouvrir la serre
Comment puet tel dolor soufferre ?
Sil à Dieu cert dont par contraire ?

Isle de Cret, Corse et Sezile,
Chypre, douce terre et douce isle
Où tuit avoient recouvrance,
Quant vous serez en autrui pile
Li rois tendra deçà concile
Comment Aiouls[1] s’en vint on France ;
Et fera nueve remanance
A cels qui font nueve créance,
Novel Dieu et nueve Évangile[2] ;
Et lera semer par doutance,

  1. Ms. 7633. Var. Ayoulz. — La bibliothèque royale possède sous le no 2732, un Ms. français in-4o, écriture du 13e siècle, qui contient les quatre romans dont voici les titres exacts : 1o Chi commenche la vraie estoire de Guion de Hanstone et de Bevon son fil, ensi com vous orés el livre chi en après ; 2o Chi commenche li vraie estoire de Juliens de Saint-Gille, le qués fu père Élye, duquel Aiols issi ensi com vous orés el livre ; 3o Chi commenche li droite estoire d’Aiol et de Mirabel sa feme, ensi com vous orés el livre ; 4o Chi commenche li romans de Robert le diable, ensi com vous orrés el livre. C’est justement à Aiol ou Aioul, héros du troisième roman, que Rutebeuf fait allusion. On peut voir à la fin du volume l’analyse fidèle mais raccourcie de ce poëme, qui se rapporte au cycle des chansons de geste carlovingiennes, puisque la scène se passe sous le règne de Louis-le-Débonnaire. (Voyez la note O.)
  2. Je crois que Rutebeuf veut désigner ici d’abord les Cordeliers, auxquels le roi venait d’accorder la reconstruction de plusieurs parties de leur couvent ; ensuite l’Évangile éternel ou pardurable, livre mystique cause de plusieurs querelles entre l’Université et les ordres religieux, qui commencèrent à en donner lecture et à le commenter dans leurs leçons vers 1254. (Voyez la Complainte de Guill. de Saint-Amour.) L’Université fit tant que le pape fut forcé de le condamner ; mais on ne le brûla qu’en secret, tandis qu’on livrait aux flammes avec pompe le livre des Périls des derniers temps, qui en était la contre-partie. (Voyez, à la fin du volume, la note K.)