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XII
PRÉFACE.

comme celui de ses descendants dont nous venons de parler, il n’exerçait pas l’état de voleur sur la chaussée du Temple, les plaintes qu’il fait de sa misère et ses lamentations touchantes sur sa pauvreté prouvent assez que, moins heureux que son rival et contemporain Thibaut de Champagne, il ne portait point couronne. Dans une de ses pièces[1] en effet il dit au franc roi de France (saint Louis) qu’en lui donnant quelque chose ce prince fera une très-grande charité, « car il n’a pour vivre que le bien d’autrui. » Il ajoute que les deux voyages du Roi (ses deux croisades) « ont éloigné de lui beaucoup de bonnes gens, et que la mort lui a causé par leur perte de grands dommages. » Plus loin, dans la même pièce, il s’écrie « qu’il est sans cotte, sans vivres, sans lit ; que personne ne lui donne, qu’il tousse de froid, qu’il bâille de faim, qu’il ne sait où aller, bref qu’il n’y a si pauvre que lui de Paris à Senlis. »

Les pièces qui suivent confirment entièrement les plaintes de ce nouvel Architrenius. Dans le deuxième poëme qui ouvre notre recueil on lit[2] que Rutebeuf redoute peu les prévôts et les maires, c’est-à-dire les collecteurs, probablement parce qu’il est si misérable qu’il ne paie aucune taille. « Dieu le débonnaire, dit-il, à ce que je

  1. Voyez page 1 du présent volume.
  2. Voyez page 7 du présent volume.